Les bûcherons de l'impossible — 2010

En collaboration avec Dgino Cantin

Avant tout, ce projet est celui d'une rencontre. Afin de faire connaissance, Dgino Cantin et Charles Guilbert se posent 24 questions potentiellement indiscrètes auxquelles tous deux répondent par un texte et un dessin.

Le rapport à l'autre, ici, ne se fait pas de manière intrusive, mais plutôt de guingois, dans un registre métaphorique. Les questions y sont pour quelque chose : Qui n’es-tu pas? Est-ce que tu te trouves assez nu quand tu es nu? Etc.

Voir quelques dessins


Livre publié par les éditions Sagamie (99 p.)

Graphisme : Mathilde Martel-Coutu


PROJET SUIVANT

Extraits des textes de Charles Guilbert

Qui n’es-tu pas?

Je ne suis pas celui qui n’est jamais parti. Ni celui qui ne reviendra pas. Le casseur de tabourets, l’homme sur qui l’ombre des arbres ne tombe jamais, l’ami des ravins, celui qui effraie les chouettes, le vendeur de lacets, ce n’est pas moi. De cela tu te doutais, je le sais. Mais elles sont quand même bonnes, mes chances d’être celui que tu crois que je suis.

Es-tu sensible au poids des vêtements ?

À leur poids, oui, mais aussi à leur capacité d’allègement. La chemise blanche un peu trop grande, de pur coton, que je porte ouverte, à la fin du jour, au retour d’une longue baignade dans une rivière agitée, là, sur le sentier tacheté de lumière, ne pèse rien du tout. Elle me donne plutôt la sensation de flotter quelques millimètres au-dessus du sol, réactivant le souvenir des courses folles que je faisais du matin au soir dans les rues de banlieue pour sentir voleter derrière moi une serviette de plage retenue par une pince à linge à l’endroit exact de ma pomme d’Adam à venir.

Aimes-tu marcher avec un lacet détaché ?

Il m’arrive, au coin des rues, de ne plus savoir où aller. Je regarde le monde comme il est, le gris des trottoirs, les boutiques pleines de marchandises, les fils électriques qui pendouillent au-dessus des têtes. Je m’accroupis au milieu des passants, détache le lacet de mon soulier droit, puis reprends ma marche au hasard, bancal, les bras ballants. Personne dans la rue ne m’arrête pour me dire de prendre garde ou pour m’offrir de faire une boucle. Je ne suis plus un enfant. J’ai droit à mon désespoir